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3) - Le confinement magnétique  (p  1 - 2 - 3 - )

Puisque le plasma n'y met pas du sien, les physiciens ont mis au point des scénarios où on crée une barrière de transport dans le plasma, pour retenir les particules au centre de la décharge et obtenir un confinement plus efficace. 

Aujourd'hui, le mode H, régime à confinement performant, référence pour les machines de prochaine génération, est solidement établi, et les recherches vont bon train sur des scénarios alternatifs dits "tokamaks avancés".

d) Modes de confinement

La compréhension théorique des phénomènes de diffusion radiale restant limitée, de nombreuses études expérimentales sur le confinement ont été menées dans les principales machines à travers le monde. Ceci a permis de réunir une large base de données, à partir de laquelle on a déterminé des lois d'échelle empiriques, exprimant le temps de confinement à partir des principaux paramètres de la machine et du plasma, un peu comme on a eu recours à des essais en soufflerie pour établir certaines lois en mécanique des fluides. Ceci est d'une importance primordiale pour pouvoir extrapoler les performances en confinement d'une machine de prochaine génération.

La première loi d'échelle de ce genre, établie en régime ohmique, c'est à dire sans puissance additionnelle, prévoyait en particulier une augmentation du temps de confinement avec le grand rayon de la machine. Les régimes avec puissance additionnelle, indispensables pour élever la température du plasma vers les conditions nécessaires pour le futur réacteur, furent ensuite étudiés : on découvrit que le confinement se dégradait par rapport aux valeurs obtenues en ohmique lorsqu'on augmentait la puissance couplée au plasma. 

Toutefois, on s'aperçut que sous certaines conditions, il  existait un seuil en puissance à partir duquel le confinement  est brutalement amélioré (bien que restant habituellement inférieur aux performances en ohmique) : ce régime de confinement amélioré fut appelé  mode H (pour "High confinement" ou fort confinement  en anglais) par opposition au mode de confinement obtenu en dessous du seuil en puissance, dit mode L (pour "Low confinement", ou faible confinement en anglais). Il permet d'améliorer le temps de confinement pratiquement d'un facteur 2 par rapport au mode L. La découverte de ce mode de confinement amélioré, sur la machine ASDEX dans les années 80, a été capitale pour la fusion thermonucléaire, et le mode H est encore aujourd'hui le scénario de référence pour la machine de prochaine étape  ITER.   

Vous voyez ci-contre la base de données ayant servi à établir  la loi d'échelle pour le temps de confinement en mode H, et qui montre le bon accord entre les résultats expérimentaux provenant des différentes machines en ordonnée et le résultat de la loi d'échelle en abscisse. 

Cette loi empirique prévoit :

  • une augmentation du  temps de confinement avec le grand rayon de la machine et le courant plasma (ce qui explique en partie que JET, la plus grande des machines actuelles, obtienne les meilleures performances)

  • une dégradation avec la puissance additionnelle couplée au plasma

Pour le tokamak de prochaine génération  ITER, une extrapolation basée sur la loi d'échelle établie à partir des résultats des machines actuelles prédit un temps de confinement de l'ordre de 5s, ce qui permet d'atteindre les objectifs assignés au projet (facteur d'amplification Q=10) . Il est à noter que  la puissance de seuil à la transition mode L - mode H dépend entre autre de la taille de la machine, ce qui conduit à un chiffre très élevé dans le cas d'ITER . 

Les mécanismes stabilisants qui permettent de passer en mode H ne sont toujours pas complètement élucidés, et font l'objet de nombreuses études, tant théoriques qu'expérimentales. Si le mode H a été originellement découvert par hasard, on sait  aujourd'hui que la stabilisation de la turbulence, à l'origine de la dégradation du confinement, est obtenue grâce à un différentiel dans la vitesse de rotation poloïdale des différentes surfaces magnétiques (le fait que la vitesse de rotation varie fortement en passant d'une surface à une autre s'appelle un cisaillement de vitesse). En effet, les surfaces magnétiques sont en rotation sous l'effet des champs électriques qui règnent dans le plasma. Une modification de ces champs électriques entraînent un cisaillement de vitesse, qui empêche la turbulence de se développer. Une barrière de transport se crée au bord de la décharge, retenant chaleur et particules dans le coeur du plasma. Le point le plus caractéristique de ces scénarios est l'apparition de forts gradients dans la  zone de bord de la décharge, conduisant notamment à l'établissement d'un piédestal en pression du plasma, proportionnelle à sa densité et à sa température  : la courbe rouge représentant le mode H sur le schéma ci-dessous est plus raide dans la zone de bord que la courbe verte correspondant au mode L.

 

Toutefois, il ne faut pas s'imaginer que la situation soit calme : ces gradient très raides au bord donnent naissance à des instabilités spécifiques au mode H, que l'on appelle des ELMs (pour Edge Localised Modes). Le profil de pression du plasma  relaxe périodiquement vers des pentes moins raides (pointillé noir sous la courbe rouge sur le schéma). Puis la barrière se reconstruit, le profil se raidit à nouveau avant de s'effondrer à l'ELM suivant. En conséquence, de grosses bouffées de particules et de chaleur s'échappent du plasma à chaque ELM, ce qui impose de fortes contraintes aux composants de la chambre à vide.

 

 

Le mode L n'est pas en reste, avec des instabilités au centre qu'on appelle dents de scie (pointillés sous la courbe verte au centre) : la température centrale s'effondre brutalement lorsqu'elle atteint une valeur limite, avant de remonter progressivement jusqu'à la dent de scie suivante où le phénomène se reproduit. On sait toutefois maintenant éviter les dents de scie suite à de nombreuses études théoriques et expérimentales, en travaillant dans des domaines de paramètres plasma  (courant, champ magnétique, puissance additionnelle) où le phénomène ne se déclenche pas. Ce n'est pas encore le cas pour les ELMs du mode H : l'identification des mécanismes qui conduisent à ce phénomène est un domaine de recherche très actif.

En plus du mode H, il existe d'autres modes de confinement amélioré, et on a vu en particulier dans la fin des années 90 l'essor des scénarios dits "tokamaks avancés", dans lesquels les performances sont obtenues grâce à un contrôle très délicat des profils de courant et de champ électrique dans la décharge, générant des barrières de transport internes (ou ITB pour Internal Transport Barriers en anglais) dans une zone située plus à l'intérieur de la décharge que dans le cas du mode H, comme on le voit sur le schéma ci-dessus. Ces scénarios, prometteurs mais difficiles à mettre en oeuvre en raison de la rétroaction à effectuer sur le profil de courant, sont encore dans la phase exploratoire.

Sur Tore Supra, d'autres modes de confinement amélioré faisant intervenir des barrières de transport internes sont explorés, comme le montre la courbe ci-contre. Ils sont obtenus en utilisant des scénarios de chauffage spécifiques, dont l'action stabilisante sur le plasma diminue les phénomènes de transport.  Le temps de confinement peut être ainsi augmenté jusqu'à un facteur 2 par rapport au mode L (voir le paramètre H, qui traduit l'amélioration du confinement par rapport au mode L). On a par exemple les modes LHEP (pour Lower Hybrid Enhanced Performance) obtenus avec le  chauffage à la fréquence hybride, et d'autres modes obtenus avec le chauffage à la fréquence cyclotronique ionique, utilisé en mode  ICRH (pour Ion Cyclotron Resonant Heating)  ou FWEH (pour Fast Wave Electron Heating).

Sur d'autres machines comme Textor en Allemagne, un autre mode de confinement, le mode RI (pour Radiation Improved),a été obtenu en injectant des impuretés bien choisies dans le plasma, pour tirer profit d'un autre effet stabilisant  (piquage de la densité). Il permet d'atteindre des performances proches de celles du mode H, tout en présentant l'avantage de réduire la charge thermique sur les composants face au plasma.

 

 

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