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3) - Le confinement magnétique (p 1 - 2 - 3 - 4 )
La compréhension théorique des phénomènes de diffusion radiale restant limitée, de nombreuses études expérimentales sur le confinement ont été menées dans les principales machines à travers le monde. Ceci a permis de réunir une large base de données, à partir de laquelle on a déterminé des lois d'échelle empiriques, exprimant le temps de confinement à partir des principaux paramètres de la machine et du plasma, un peu comme on a eu recours à des essais en soufflerie pour établir certaines lois en mécanique des fluides. Ceci est d'une importance primordiale pour pouvoir extrapoler les performances en confinement d'une machine de prochaine génération. La première loi d'échelle de ce genre, établie en régime ohmique, c'est à dire sans puissance additionnelle, prévoyait en particulier une augmentation du temps de confinement avec le grand rayon de la machine. Les régimes avec puissance additionnelle, indispensables pour élever la température du plasma vers les conditions nécessaires pour le futur réacteur, furent ensuite étudiés : on découvrit que le confinement se dégradait par rapport aux valeurs obtenues en ohmique lorsqu'on augmentait la puissance couplée au plasma. Toutefois, on s'aperçut que sous certaines conditions, il existait un seuil en puissance à partir duquel le confinement est brutalement amélioré (bien que restant habituellement inférieur aux performances en ohmique) : ce régime de confinement amélioré fut appelé mode H (pour "High confinement" ou fort confinement en anglais) par opposition au mode de confinement obtenu en dessous du seuil en puissance, dit mode L (pour "Low confinement", ou faible confinement en anglais). Il permet d'améliorer le temps de confinement pratiquement d'un facteur 2 par rapport au mode L. La découverte de ce mode de confinement amélioré, sur la machine ASDEX dans les années 80, a été capitale pour la fusion thermonucléaire, et le mode H est encore aujourd'hui le scénario de référence pour la machine de prochaine étape ITER.
Les mécanismes stabilisants qui permettent de passer en mode H ne sont toujours pas complètement élucidés, et font l'objet de nombreuses études, tant théoriques qu'expérimentales. Si le mode H a été originellement découvert par hasard, on sait aujourd'hui que la stabilisation de la turbulence, à l'origine de la dégradation du confinement, est obtenue grâce à un différentiel dans la vitesse de rotation poloïdale des différentes surfaces magnétiques (le fait que la vitesse de rotation varie fortement en passant d'une surface à une autre s'appelle un cisaillement de vitesse). En effet, les surfaces magnétiques sont en rotation sous l'effet des champs électriques qui règnent dans le plasma. Une modification de ces champs électriques entraînent un cisaillement de vitesse, qui empêche la turbulence de se développer. Une barrière de transport se crée au bord de la décharge, retenant chaleur et particules dans le coeur du plasma. Le point le plus caractéristique de ces scénarios est l'apparition de forts gradients dans la zone de bord de la décharge, conduisant notamment à l'établissement d'un piédestal en pression du plasma, proportionnelle à sa densité et à sa température : la courbe rouge représentant le mode H sur le schéma ci-dessous est plus raide dans la zone de bord que la courbe verte correspondant au mode L.
Toutefois, il ne faut pas s'imaginer que la situation soit calme : ces gradient très raides au bord donnent naissance à des instabilités spécifiques au mode H, que l'on appelle des ELMs (pour Edge Localised Modes). Le profil de pression du plasma relaxe périodiquement vers des pentes moins raides (pointillé noir sous la courbe rouge sur le schéma). Puis la barrière se reconstruit, le profil se raidit à nouveau avant de s'effondrer à l'ELM suivant. En conséquence, de grosses bouffées de particules et de chaleur s'échappent du plasma à chaque ELM, ce qui impose de fortes contraintes aux composants de la chambre à vide.
En plus du mode H, il existe d'autres modes de confinement amélioré, et on a vu en particulier dans la fin des années 90 l'essor des scénarios dits "tokamaks avancés", dans lesquels les performances sont obtenues grâce à un contrôle très délicat des profils de courant et de champ électrique dans la décharge, générant des barrières de transport internes (ou ITB pour Internal Transport Barriers en anglais) dans une zone située plus à l'intérieur de la décharge que dans le cas du mode H, comme on le voit sur le schéma ci-dessus. Ces scénarios, prometteurs mais difficiles à mettre en oeuvre en raison de la rétroaction à effectuer sur le profil de courant, sont encore dans la phase exploratoire.
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