27 juin 2023
Du concept à l’assemblage du premier joint coaxial supraconducteur d’ITER

L’assemblage des bobines supraconductrices d’ITER présente des défis technologiques majeurs, et en particulier l’assemblage des jonctions de ces bobines. Ces jonctions, éléments sensibles, sont complexes et difficilement remplaçables. Après plusieurs années de design, d’études et de qualifications réalisés au CEA-IRFM, le premier joint coaxial du solénoïde central d’ITER a été assemblé avec succès sous la supervision du CEA.

 

Un tokamak est composé de plusieurs systèmes magnétiques : les bobines de champ poloïdal, les bobines de champ toroïdal et le solénoïde central (Central Solenoid = CS). Ce dernier est soumis à de forts champs magnétiques, nécessitant l’utilisation de supraconducteurs hautes performances, ici le Niobium-Etain (Nb3Sn) qui a le désavantage d’être mécaniquement fragile. Le CS est constitué de six modules, chacun indépendamment connecté à son alimentation par le biais de deux jonctions, appelées joints coaxiaux. Ces joints ne sont que partiellement supraconducteurs, intégrant aussi des pièces de cuivre et d’indium compactées. Ils présentent donc une faible résistance électrique, dont la valeur ne doit pas dépasser 4 nano-Ohms sous peine d’échauffements incompatibles avec le refroidissement cryogénique.

De plus, si certains éléments d’un tokamak comme ITER peuvent être testés avant le démarrage afin de s’assurer de leurs performances, il n’en est pas de même pour les jonctions supraconductrices. En effet celles-ci sont assemblées directement sur site et ne peuvent donc être testés qu’à la mise en service du tokamak, ce qui peut entraîner de forts délais et surcoûts en cas de défaillance.

 
Du concept à l’assemblage du premier joint coaxial supraconducteur d’ITER

Assemblage prototype dans la station SELFIE du CEA-IRFM.

C’est pourquoi ITER a développé un programme de conception et qualification1 complet pour l’assemblage de ce joint. C’est au sein du CEA que ce programme a été mené. Il a commencé par le développement d’une procédure d’assemblage simple et robuste. En parallèle, des tests mécaniques ont été menés afin de détecter et quantifier d’éventuels dégâts impactant les performances du joint. Enfin, des tests de plus en plus représentatifs de résistance électrique ont été réalisés dans les stations JOSEFA2 (CEA-Cadarache, France), SULTAN3 (SPC-Suisse) et SELFIE4 (CEA- Cadarache, France), dont les résultats furent concluants, validant ainsi ce concept de jonction et sa procédure d’assemblage.

Aujourd’hui, le CEA qualifie les opérateurs sur sa station SELFIE avant tout assemblage sur le site d’ITER, garantissant par un test cryogénique d’une jonction prototype (voir photo ci-contre) que la procédure est maîtrisée par l’industriel et que les équipes d’assemblage disposent des compétences requises.

 
Du concept à l’assemblage du premier joint coaxial supraconducteur d’ITER

Assemblage sur site ITER du premier joint coaxial par l’industriel CNPE

Le premier assemblage sur le CS d’ITER de ce composant si critique a été réalisé en février 2023 (voir photo), sous la supervision d’un expert CEA. Ce premier assemblage marque la transition de la phase de recherche et développement à l’industrialisation de ce concept de joint coaxial compacté.

 

1C. Nguyen Thanh Dao et al., "Development of Coax Compacted Joint Assembly Process for the ITER Central Solenoid," in IEEE Transactions on Applied Superconductivity, vol. 31, no. 5, pp. 1-5, Aug. 2021, Art no. 4202405, doi: 10.1109/TASC.2021.3068275.

2Decool, P. et al. (2003). The CEA JOSEFA test facility for sub-size conductors and joints. 18 International conference on magnet technology, France

3J. Elen et al., "The superconductor test facility sultan," in IEEE Transactions on Magnetics, vol. 17, no. 1, pp. 490-493, January 1981, doi: 10.1109/TMAG.1981.1060978.

4S. Girard et al. « SELFIE: ITER superconducting joint test facility », Fusion Engineering and Design, Volume 188, 2023, 113434, ISSN 0920-3796

 

Maj : 27/06/2023 (899)