WEST a démontré pour la première fois la présence de points chauds localisés sur les bords d’attaque des composants en monoblocs de tungstène de son divertor, très exactement là où les situaient les prédictions numériques. Ces observations constituent un résultat important pour ITER qui utilisera le même de type de composants sur son divertor.
Vue tangentielle du divertor de WEST montrant les traces d’impact plasma sur les PFU dû au désalignement des espaces entre les monoblocs
Dans les tokamaks, la chaleur est principalement véhiculée le long des lignes de champ magnétique. Les flux de chaleur déposés sur les parois qui interceptent les lignes de champ peuvent être très importants, surtout si l’élément de paroi est perpendiculaire à ces lignes de champ. La conception des composants face aux plasma devra prévoir des surfaces le plus rasantes possibles aux lignes de champ. Cependant la réalisation des tels éléments qui doivent être refroidis à l’eau pressurisée impose l’utilisation de « monoblocs », c’est-à-dire de cubes percés. Le trou interne permet l’insertion et le soudage d’un tube de refroidissement. Il s’agit de la solution technique retenue pour le réacteur expérimental ITER. Chaque composant (appelé PFU pour Plasma Facing Unit) comporte ainsi une enfilade de ces monoblocs entre lesquels on doit laisser un espace (appelé « gap toroïdal »), qui est presqu’aligné avec les lignes de champ magnétique (voir photo). Il est donc difficile d‘éviter qu’un très fin faisceau de plasma ne vienne impacter la face du monobloc suivant. Il est important de le prévoir par modélisation et bien entendu de valider ladite modélisation. Les études numériques réalisées au CEA ont prédit des risques de fonte locale du tungstène dans les PFUs d’ITER (J.P. Gunn et al. Nucl. Fusion 57, 046025, 2017).
Image prise par une caméra infra-rouge prise pendant une disruption montrant clairement la présence de points chauds sur les PFU du divertor de WEST
Afin de tester les composants en tungstène du divertor d’ITER dans un environnement tokamak, des composants du même type (PFU) sont en cours d’expérimentation sur la plateforme WEST. Composés de monoblocs en tungstène, ces PFU ont progressivement été installés sur un des secteurs du divertor bas pendant la première phase d’exploitation de WEST, en essayant de respecter au mieux les spécifications d’alignement vertical et en essayant d’aligner au mieux les espacements entre chacun des monoblocs.
Les images des caméras infra-rouge obtenues lors de disruptions pendant l’opération, ont, pour la première fois, montré expérimentalement la présence de points chauds sur la surface des monoblocs, confirmant ainsi les prédictions des études numériques. Ces résultats ont été publiés dans le journal Nuclear Fusion (M. Diez et al. Nucl. Fusion 60, 054001, 2020) et ont été présentés lors de la conférence IAEA en Mai 2021.
Les impacts sur les composants ont pu être évalués à la fin des deux dernières campagnes expérimentales (début 2019 et début 2020) lors des opérations de maintenance qui ont conduit à la dépose de certains composants et qui ont ainsi permis l’observation de la surface des monoblocs à l’échelle microscopique.
Ces observations ont permis de mettre en évidence la pénétration de particules chargées dans les espacements entre chacun des monoblocs (gaps toroidaux) des PFU et leur impact sur les bords d’attaque des monoblocs, conduisant ainsi à la formation de points chauds où se dépose le flux de chaleur. Ces points chauds, appelés aussi ‘optical hot spots’, ont été observés sur les composants aux bords chanfreinés et non chanfreinés, à la projection magnétique des « gaps toroidaux » des monoblocs situés en amont du flux. Ces interactions locales plasma-surface se sont traduites par une modification de surface, avec une fonte locale du tungstène et la formation de fissures sur les monoblocs situés dans la région où le chargement thermique est le plus important (strike points).
Une analyse complète de ces endommagements (volume de matière fondue, étendu des fissures, etc.) va être menée lors des analyses post-mortem, en collaboration avec nos partenaires internationaux, va permettre de confronter ces résultats expérimentaux aux modèles
Maj : 02/12/2021 (833)