Une collaboration associant le CEA-IRFM, le consortium européen EUROfusion, Iter Organisation et des partenaires américains a démontré qu’il est possible, en injectant du déteurium sous forme d'éclats de glaçons, de protéger efficacement les structures internes d’un réacteur de fusion. Celles-ci peuvent en effet être soumises à des dommages causés par des électrons très énergétiques, échappés du plasma à la suite d’une instabilité majeure.
Images infrarouge montrant le rayonnement synchrotron dû aux électrons découplés. (a) avant l’instabilité menant à leur dissipation. (b) 0.3 ms après l’instabilité dissipant les électrons découplés. (c). Ré-accélération d’un petit faisceau d’électrons découplés à cause d’une quantité de deutérium insuffisante. (1)
Pour obtenir des réactions nucléaires de fusion, il faut non seulement porter à quelques 150 millions de degrés des isotopes de l’hydrogène (deutérium et tritium) mais aussi maintenir le plasma résultant à distance des parois du réacteur et donc, le « confiner » très rigoureusement grâce à des champs magnétiques dans un tokamak.
Il existe cependant des instabilités dans le plasma composé d’ions et d’électrons à très haute température, qui peuvent conduire à un dépôt d’énergie sur les parois. Le plasma disparaît alors quasi instantanément lors d’un phénomène appelé disruption. Dans certains cas, des électrons échappés du plasma (dits « découplés ») sont accélérés à une vitesse proche de celle de la lumière dans les instants suivant la disruption et entraînent d’autres électrons dans leur sillage, dans un processus d’« avalanche ».
Or la vitesse à laquelle se développe cette avalanche d’électrons découplés croît exponentiellement avec la taille du tokamak. Dans la future expérience internationale de fusion ITER, ces électrons pourraient déposer, sur une surface extrêmement petite, presque autant d’énergie que ce que contient le plasma de fusion lui-même (de l’ordre de la centaine de mégajoules) !
Simulation magnétohydrodynamique de l’instabilité dissipant les électrons découplés. Les surfaces magnétiques sur lesquelles les électrons se déplacent sont détruites en quelques dizaines de microsecondes, menant à un étalement de la zone de dépôt des électrons sur les parois.(1)
Pour se prémunir des dégâts potentiels des disruptions, la méthode privilégiée consiste à injecter des atomes lourds (argon ou néon) mais elle favorise l’apparition d’électrons énergétiques. Les solutions mises en œuvre jusqu’à présent pourraient donc être contre-productives pour des tokamaks de plus grande taille tels qu’ITER.
Au cours d’une expérience unique, menée sur le tokamak DIII-D exploité par General Atomics aux États-Unis, des physiciens avaient observé qu’une injection importante de deutérium pouvait dissiper de façon très rapide l’énergie des électrons découplés. Cette idée publiée en 2018 a été reprise, approfondie et confirmée au cours de plusieurs expériences au tokamak JET, en Grande-Bretagne en 2019 et 2020. Les scientifiques démontrent qu’une dissipation « propre » de l’énergie des électrons découplés est possible, sans aucun dépôt de chaleur mesurable sur les composants internes du réacteur, à condition d’injecter massivement du deutérium, sous forme d’éclats de glaçons, juste après la disruption.
En s’appuyant sur la simulation numérique, les chercheurs détaillent les contributions de deux processus physiques à cet effet protecteur. Les atomes de deutérium augmentent l’instabilité du faisceau d’électrons découplés favorisant l’étalement du dépôt d’énergie et chassent hors du plasma les impuretés qui participent à la ré-accélération des électrons.
Maj : 03/05/2021 (821)